Déconstruire le vocable “Trans”

Qui sommes-nous ? Comment nous désigner en tant que communauté ? Et en tant que classe d’individus ?

C’est une question qui me taraude et qui je pense devrait vous aussi vous picoter un peu les méninges. Parce qu’allons ! il s’agit quand même de notre identité, de comment nous sommes et serons connus, Mt*, Ft* et autres semblables, aux yeux du monde.

Alors, interrogeons-nous : Qui suis-je ? Qui sommes-nous ? La zone des commentaires est à vous pour fabriquer ensemble quelque chose.

On nous nomme trans-quelque-chose. Transsexuels, transgenres, transidentitaires, trans tout court… on retrouve comme un invariant ce préfixe “trans”. Que veut-il dire ?

Questionnons sans trop de rigueur mais avec l’esprit libre les diverses acceptions de ce préfixe, quelques mots où on le croise, et ce qu’ils nous apprennent.

Transalpin

Dans transalpin, le préfixe trans- signifie au delàAinsi, du côté italien, un transalpin est en France ou en Suisse. Du côté français ou helvète, un transalpin est en Italie. Par opposition, on pourrait dire qu’un cisalpin est du même côté des Alpes que le locuteur. Dans le terme transalpin réside une notion d’appartenance. On est un transalpin, c’est un terme essentialisant. On est transalpin par la force des choses.

Alors, les transsexuels seraient dans leur essence au delà de leur sexe ? Les transgenres seraient par essence au delà de leur genre ? Au delà du genre ? Les trans* seraient si on s’accroche à cette acception ceux et celles dont l’essence serait de franchir leur sexe, leur genre ou leur identité ? C’est de ce préfixe qu’on a dérivé le terme cisgenre que je vous invite à questionner de même : les cisgenres seraient-ils par nature liés à leur genre ?

Transcender

Dans transcender, le préfixe trans- implique l’idée d’un dépassement. On se rapproche assez de l’acception précédente, mais il n’existe pas d’antonyme au préfixe trans- dans celle-ci. Il est impossible de “ciscender”. Transcender est une action positive, qui porte des conséquences. La transcendance implique qu’on dépasse irrémédiablement quelque chose. Ainsi selon cette acception les transsexuels, transgenres et trans* prendraient des actions qui les mèneraient à dépasser quelque chose (leur sexe, le sexe, leur genre, le genre, leur identité, les identités ?) de façon irrémédiable, pour arriver dans un état différent.

Dans cette acception-ci du préfixe trans, Il y a ceux qui transcendent, et ceux qui ne transcendent pas, ceux qui restent en bas du mur. Cela induit que le fait trans* implique une évolution de la personne.

Transparent

Dans transparent, le préfixe trans- indique qu’en observant ce qui est de cette nature, on peut percevoir (parens) ce qui est au-delà, derrière l’objet. Le transparent est un révélateur. Sans pouvoir faire de corrélation directe avec le vocable trans* que nous questionnons, des divagations me laissent croire que les personnes qu’on nomme trans* sont en mesure de révéler que l’être existe au-delà du sexe, du genre et de toutes les identités que nous nous prêtons, que l’on nous prête.

Transport

Dans transport, le préfixe trans- indique le déplacement. On va d’un port à un autre. Le transport est l’acte de se déplacer du départ à l’arrivée. Dans cette acception, pour transsexuel, transgenre, transidentitaire, on se déplacerait donc d’un sexe, d’un genre, d’une identité vers une autre destination. C’est un processus défini dans le temps, avec un départ et une arrivée. On serait dans le schéma trans* tant qu’on serait en évolution vis à vis de cela, et on n’y serait plus une fois stabilisé à terme.

Avec cette acception du préfixe trans-, on est trans* d’un début à une fin, et on est ensuite autre chose. Trans* serait donc une identification de passage, d’emprunt, qui se substituerait à l’identification de départ et à la fin serait remplacée par l’identification d’arrivée. Reste à espérer que celles-ci existent.

Transgresser

Dans transgresser, le préfixe trans- signifie qu’on franchit une borne qu’on ne devrait pas franchir, une borne au-delà de laquelle on agresse. Transsexuel, transgenre, transidentitaire, c’est aussi pour certains la transgression des normes sexuelles, des normes de genre, des normes identitaires, c’est un franchissement de divers interdits. On comprend mieux alors la peur et le rejet que nous inspirons, l’opprobre qu’on nous jette parfois. A l’avant-garde, au-delà des règles et des normes de penser, nous avons escaladé la clôture (nous n’avions pas le choix, c’était ça ou ne pas vivre) et nous voici sur un territoire nouveau et dangereux aux yeux du monde.

Transcender en transparence les mots trans*

Que nous apportent tous ces mots en trans* dont on s’affuble ? Est-ce que le monde y voit la transcendance ? Est-ce qu’il y voit la transgression ? La transition comme un voyage ? Et nous, qu’y voyons nous ?

Lorsqu’on vous désigne, préférez-vous qu’on dise “c’est un(e) trans”, ou qu’on vous qualifie autrement ? Comment nous désigner en tant que groupe (très hétérogène) de personnes, aussi ? Comment désigner nos expériences de vie variées sans pour autant être ramenées essentiellement à cette clôture franchie, à ce Rubicon traversé, à cet au-delà que nous montrerions par le simple fait d’être ? Les termes en trans sont-ils si précieux pour que  nous les déclinions à l’infini et nous en servions comme arme les unes contre les autres ou contre le monde ? Sont-ils si parfaits pour que nous les portions en étendard politique ?

Je n’ai pas de réponse, je n’ai pas de mot magique à nous offrir, en tant que communauté. Je n’ai que des questions et le sentiment que quelque chose reste à faire, ensemble.

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