Les bons conseils de tante Evy

Technique de survie  de la T-girl en milieu hostile: le « oh et puis merde ! »

Avant de démarrer cet édifiant article, une petite dose d’anti anxiolytique humeur avec ça : Vous faites un petit ctrl-T, dans le nouvel onglet, Vous allez sur youtube et vous cherchez « i’m a boy, the who ». prête ? Allez, on mets à  fond, on est parties !

1967 !  Une chanson sur l’identité de genre … Pour les jeunes et les incultes de la musique populaire (j’en connais au moins une sur ce site, elle se reconnaitra…), The Who, ce n’est pas juste un générique de série américaine. Ça a été un groupe majeur, un de ces groupes méchants des années 60 qui donneront naissance au punk dix ans plus tard.

Les paroles ne sont pas difficiles à comprendre et elles sont toujours aussi puissantes !
Je peux les traduire (mal) s’il y en a qui peinent…

One girl was called Jean Marie
Another little girl was called Felicity
Another little girl was Sally Joy
The other was me, and I’m a boy

My name is Bill and I’m a headcase

They practice making up on my face
Yeah, I feel lucky if I get trousers to wear
Spend ages taking hairpins from my hair

I’m a boy, I’m a boy
But my ma won’t admit it
I’m a boy, I’m a boy
But if I say I am I get it

Put your frock on Jean Marie
Plait your hair Felicity
Paint your nails, little Sally Joy
Put this wig on, little boy

I’m a boy, I’m a boy
But my ma won’t admit it
I’m a boy, I’m a boy
But if I say I am I get it

I wanna play cricket on the green
Ride my bike across the street
Cut myself and see my blood
I wanna come home all covered in mud

I’m a boy, I’m a boy
But my ma won’t admit it
I’m a boy, I’m a boy, I’m a boy
I’m a boy, I’m a boy, I’m a boy, I’m a boy
I’m a boy, I’m a boy, I’m a boy.

En Français:

Une fille s’appelait Jean Marie
Une autre petite fille s’appelait Felicity
Une autre petite fille était Sally Joy
L’autre c’était moi et je suis un garçon

Mon nom est Bill et je suis un détraqué
Elles s’exercent au maquillage sur mon visage
Ouais, je suis content si je trouve un pantalon à mettre
Je passe un temps fou à enlever les pinces à cheveux de ma tête

Je suis un garçon, Je suis un garçon
Mais m’man ne veut pas l’admettre
Je suis un garçon, Je suis un garçon
Mais si je le dis, j’en prends une

Mets ta robe, Jean Marie
Fais des tresses, Felicity
Vernis tes ongles, petite Sally Joy
Mets cette perruque, petit garçon

Je suis un garçon, Je suis un garçon
Mais m’man ne veut pas l’admettre
Je suis un garçon, Je suis un garçon
Mais si je le dis, j’en prends une

Je veux jouer au cricket sur le gazon
Faire du vélo dans la rue
Me couper et voir mon sang
Je veux rentrer à la maison couvert de boue

Je suis un garçon, Je suis un garçon
Mais m’man ne veut pas l’admettre
Je suis un garçon, Je suis un garçon
Etc…

Voilà, voilà, voilà…. Inutile de vous dire ce que j’ai pris dans en pleine figure quand, à l’adolescence, j’ai déchiffré avec le plus grand mal ces incroyables paroles.  Comme souvent dans les très bonnes chansons, on peut la lire comme on le souhaite. A votre avis, c’est juste l’histoire d’un garçon manqué, ou bien d’une MTF, ou encore d’un FTM ?  Ou est-ce tout simplement d’un pauvre petit garçon victime d’une mère abusive. Moi, j’ai fait mon choix…

clenche-travesti

Euh… Comment ? Le rapport avec le titre ?  Ça vient, ça vient, on a le droit à une petite introduction non ?  Tiens d’ailleurs pendant que tu es sur le tube, mets « My generation » des mêmes Who, on restera dans l’ambiance.

Donc, après ce petit intermède culturel, je vais aborder au travers du prisme de ma petite expérience, la technique ancestrale et imparable du « oh et puis merde ! », technique qui peut vous servir à peu près n’importe quand dans votre vie de T mais aussi dans vos vies de bio, et ça hop, c’est cadeau.

Cette technique, affinée au cours des années vous permet de vous sortir de (presque) toutes les situations que vous pensez inextricable :

On se tutoie, cela ne te dérange pas ? bon.

Tu es devant la porte de ton appartement, toute pomponnée et prête à sortir pour la première fois de ta vie et cela fait quinze fois que tu mets la main sur la clenche pour reculer à chaque fois ? Respire un coup, répète avec moi « oh et puis merde ! ». Regarde c’est magique, tu es dans la rue !

Tu es dans un magasin, en train de saliver devant la petite paire d’escarpins qui te fait tellement envie et là, horreur, la vendeuse, vient te parler ! Tu hésites entre faire lui croire que tu n’es pas une cliente mais un mannequin en pied, te glisser entre deux lames de stratifié pour te fondre dans le décor ou bien te sauver en courant en criant au feu? Pense aux bons conseils de tante Evy ! « oh et puis merde ! » Ah ben ça alors, non seulement elle n’a pas appelé la police mais les escarpins pendent à ton bras dans leur joli sac et en plus la vendeuse a été super sympa.

Ça y est, tu vois le truc ? Ça parait facile mais cela demande un peu de pratique. J’ai été toute étonnée un jour de découvrir que cette méthode a un vrai nom : les gens qui lisent “psychologie magazine” appellent ça le lâcher prise. Pour moi cela restera toujours le « oh et puis merde ! » J’ai dû le penser très fort quand, à l’âge de trois ans, mon grand frère me faisait sauter du bureau maternel pour jouer les parachutistes. J’étais terrorisée mais tellement fière. Quarante ans plus tard je le psalmodiais  toujours quand il me faisait sauter des trucs pas possibles en hors-piste.

Attention, paragraphe psychologie de comptoir : Vous pouvez éventuellement sauter ce passage, on se retrouve en fin de papier.
Tiens, il y en a une qui est restée…

Donc, derrière le mantra rigolo, il y a un truc important. Quand tu affrontes ta vie de T, tu ne peux pas tout contrôler. Il faut l’accepter et il faut accepter les surprises, bonnes ou mauvaises qui iront avec. Si tu cherches à être dans le contrôle total et surtout si tu cherches la perfection, tu vas être déçue à un moment ou à un autre.
Car tu as tellement, rêvé et fantasmé ces moments que la réalité, cela va être forcément différent. Mais je te dis juste ça à toi, tu le répètes pas : la réalité, c’est vachement mieux ! Justement parce qu’elle t’enrichit de tout ce que tu n’as pas imaginé.

Lâcher prise cela veut aussi dire que tu acceptes tes limites et tes peurs. Mais que tu es prête à les affronter, nomdediou !
Cela veut dire également  que tu acceptes ce que tu n’es pas. Tu veux être une fille (ça marche dans l’autre sens aussi !), tout ton être tend vers ça, tu voudrais tordre le monde et son horrible réalité pour l’obliger à l’admettre. Et ben non, désolée mais tu n’en es pas (encore ?) une. Pire, chomosomiquement parlant, tu n’en seras jamais une. Ne fais pas la tête, c’est comme ça. Tu me diras, on sort rarement son analyse ADN quand on se présente.

Alors soit tu attends le coup de baguette magique, soit tu vis dans tes rêves ou alors tu reportes la responsabilité sur un bouc émissaire. Tu as le choix : tes parents, la société, dieu…
Prends plutôt dieu,  il s’en fout de toute façon.  Et puis si dieu existe, qu’il le prouve et s’il n’existe pas, qu’il ait le courage de l’avouer.  (pas de moi bien sûr, c’est du Pierre Dac)

Ou j’en étais moi ? Ah oui : on est toutes comme ça. On a l’impression qu’avec un ou deux « si » le monde serait différent. Si j’étais née fille… Si je mesurais 10cm de moins…
Désolée mais c’est une réaction infantile (je te rassure, cela m’arrivait aussi… et y a des rechutes !) .

Plus grave, le « quand »..  Quand j’aurais de vrais nénés… quand je serai à retraite, je ferai ce que je veux… Nan, c’est maintenant ! Là, tout de suite, quand ta main est sur la clenche ! (quoi, tu es encore là ???)

Lâcher prise, c’est clamer haut et fort que tu as confiance. Que tu as confiance dans la vie, que tu as confiance en toi et que tu acceptes ce que tu es, comment tu es. Comment veux-tu changer de genre si tu ne sais pas exactement ce que tu es vraiment ?
Cela veut aussi dire hélas qu’il faudra accepter quelque vérité sur ce que tu ne seras jamais. On a toutes cru une seconde au moins qu’en y pensant très très fort, on pourrait rouvrir les yeux et voir Katy Perry dans le miroir. Je le sais, j’ai essayé ! Et dans mon cas au moins, ça n’a pas fonctionné.
Alors tant pis, il faut savoir en faire le deuil… pour avancer.

life is what happens to you while you’re busy making other plans, qu’il a dit le mari de Yoko Ono, ce qui donne en gros “La vie, c’est ce qui vous arrive pendant que vous êtes en train de faire d’autres projets”.  Je n’aime pas résumer la vie à des petites phrases toutes faites mais celle-là, je l’aime bien.

La solution pour sortir de ça ? J’écoute… Hein, plus fort ! J’entends rien… plus fort !!!  « OH ET PUIS MERDE ! »  Ben voilà !  Ce n’était pas compliqué….  Merci qui ? Merci tante Evy !

I’m a boy, I’m boy, I’m a boy. (On reprend avec moi !)

A bientôt pour d’autres inestimables conseils de café du commerce !

Ps : un dernier conseil ? Le charmant garçon a qui tu souris depuis une heure depuis le bar, si si, celui qui doit être sportif puisqu’avec  ses copains, ils ont amené leurs battes de base-ball. Et puis amis des animaux avec ça, ils ont apporté leurs chiens. Gros les chiens.  Et ben là, moi à ta place, j’éviterais le « oh et puis merde » pour passer directement  au « je me barre ! ».  Mais c’est toi qui vois…

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