Mon coming-out professionnel

Je voudrais témoigner à propos de mon coming-out professionnel.

Je précise encore qu’il ne s’agit en aucun cas d’une recette miracle. Chacune ayant à gérer des situations professionnelles complètements différentes, une transposition peut s’avérer hasardeuse voir contre productive.

Mais il m’a semblé tout de même utile de partager mon expérience, qu’elle pourrait aider mes ami-e-s à se faire leurs propres idées, à construire leur propre coming-out, bref à se redonner confiance et détermination. Car il en faut beaucoup pour se décider et mener à bien une démarche souvent éprouvante.

Le travail est en effet au centre sinon un élément essentiel de notre vie sociale et économique. Le perdre peut entrainer déclassement et désespoir. A ceux qui pensent que le chômage est une situation que certaines personnes cultivent voir souhaitent je rétorquerais que c’est toujours une déchéance.

S’engager dans un coming out professionnel est donc pour une trans-identitaire une épreuve angoissante car la perte d’un emploi pourrait s’avérer lourde de conséquence.

Je ne suis pas dans ce cas car je travaille dans une grande entreprise publique à statut dans laquelle je jouis d’une certaine protection.

Une entreprise qui peu ou prou a des responsabilités sociales même si on peu s’interroger sur la prise en compte de certaines d’entre elles comme l’emploi par exemple.

Une entreprise qui est signataire d’une « Charte éthique » prétendant sauvegarder les droits et préserver le personnel contre les discriminations en général. On sait bien qu’il y a loin de la coupe aux lèvres, qu’une charte n’est légalement pas contraignante et sert plutôt à redorer le blason de l’entreprise mais cela a tout de même valeur d’engagement vis-à-vis de ses salariées.

Enfin dans mon entreprise il y a une assez forte présence syndicale et je suis moi même et de longue date syndiquée.

Ce contexte particulier compte énormément car on sait bien que quelque soit la problématique à laquelle une salariée est confrontée elle va l’aborder différemment selon qu’elle travaille dans une PME, dans une entreprise privée ou dans le public. Le secteur d’activité joue aussi un grand rôle. Je travaille dans le secteur des Ressources Humaines et il est bien évident que si j’exerçais mes activités à la production ou à l’exploitation les choses auraient été bien différentes

Cela dit j’ai tout d’abord longuement hésité. Je me disais que l’obstacle était trop haut et que j’allais continuer à vivre en me partageant entre mon statut de mec au boulot et ma véritable identité le reste du temps. Je me suis vite rendu compte que c’était source de grandes souffrances physique et psychologique et impossible d’un point de vue social. Les interconnexions étaient trop fréquentes pour que je puisse gérer cette situation plusieurs années durant.

J’ai donc décidé de sauter le Rubicon.

J’ai en premier lieu élaboré une stratégie. Je crois que quelque soit le contexte d’ailleurs il ne faut pas se lancer tête baissée même si il faut une certaine dose de courage. Il est bon d’en parler d’abord avec des personnes averties. J’ai ainsi pris conseil auprès d’amies que je savais de confiance, de mon psy et de représentants syndicaux faisant partie notamment du collectif national LGBT de la CGT pour ne pas la citer.

Pour tout vous dire j’ai longuement hésité entre deux stratégies.

L’une que je qualifierais de « par défaut » et l’autre d’ « active ».

J’ai finalement opté pour la seconde.

La première aurait consisté en fait à laisser faire les choses et laisser le soin à mes collègues et mes responsables de découvrir par eux même ma trans-identité, mes transformations physiques de plus en plus manifestes au fil du temps. Je crois que cette stratégie aurait été redoutablement contre productive. Cela aurait eu comme conséquence de faire reposer sur mes collègues une responsabilité qu’ils ne sont pas forcement près à assumer.

Cela aurait mis mon entourage professionnel dans une position très désagréable et donné libre cours à toutes les supputations et fantasmes me concernant. Cela aurait contribué à dégrader l’ambiance, à déstabiliser le collectif de travail me mettant ainsi en grande difficulté vis-à-vis de ma hiérarchie.

Finalement en recherchant tranquillité et confort, en adoptant une attitude passive quand à ma transition j’aurais finalement provoqué l’inverse : inquiétude, malaise et finalement méfiance à mon égard.

La seconde comme son nom l’indique a consisté à être l’actrice de mon coming out, à en maîtriser autant que possible les étapes successives.

J’ai en premier lieu eu le souci de préserver mon collectif de travail en donnant la priorité à ma responsable direct. C’était je pense respecter la personne (je la connais de puis longtemps et nous avons toujours eu des relations cordiales) et ne pas la mettre en porte à faux vis-à-vis de son équipe. J’ai été agréablement surprise par sa réaction.

Elle a été extrêmement sensible au fait que je la prévienne avant tout le monde et émue par ma démarche quelle jugeait très courageuse. Je m’en suis faite une alliée. Cela m’a mise bien évidemment en confiance pour poursuivre.

La poursuite de mon coming-out fut moins glorieuse. Sur un coup de tête donc sans y avoir réfléchi avant, ce qui m’aurait sans doute évité cette maladresse, je profitais d’une sortie restaurant avec mes collègues pour l’annoncer à toutes en même temps. Bien mal m’en a pris.

En utilisant ce procédé j’avais provoqué de la gêne. Peu de questions ont suivi et le sujet de la conversation a dérivé rapidement. J’étais très déçue mais il était logique que mes collègues réagissent ainsi.

J’avais fait preuve d’inconséquence en me reposant sur le collectif. Mes collègues n’étaient pas près à discuter d’un sujet dont ils ignorent tout ou presque et éventuellement à se positionner devant les autres. Cela dit le message était passé ce qui n’était qu’en même pas si mal.

Après cet épisode malheureux, je privilégiais le dialogue de personne à personne.

J’élargissais peu à peu le cercle des personnes à qui j’expliquais ma transition et montrais désormais la photo d’Armonia.

A ce moment il devenait impératif de prévenir ma hiérarchie. Il circule tant d’idées reçues et de mythes sur la trans-identité qu’il était important pour moi de couper cours à toute rumeur. Je prenais donc rendez-vous avec mon DRH.

L’entretien se passa bien. J’avais déjà repéré que c’était une personne plutôt ouverte. Je lui demandais de prendre acte de ma trans-identité, du fait qu’après les grandes vacances il n’aurait plus à faire qu’à Armonia.

Je lui demandais, sans trop y croire, que l’entreprise reconnaisse mon prénom d’usage. Bien entendu il fut très surpris de ma révélation mais très respectueux et plutôt curieux, me posant beaucoup de questions. Je l’informais que l’ensemble de mon collectif de travail était au courant.

Je lui donnais ainsi un gage de sérieux et prouvais ma détermination. Je demandais un rendez-vous avec le patron de l’entité et lui indiquait que dans ce cadre je souhaitais être accompagnée par une responsable syndicale.

Cela fit son petit effet et il me proposa que nous prenions dès que possible rendez-vous avec le patron. Je ne lui cachais pas que j’étais avec la secrétaire générale de mon syndicat et que pour le rendez-vous tout pouvait se régler rapidement.

Quelques jours plus tard le patron me proposa que nous ayons l’entretien immédiatement. Je me dis qu’après tout ce n’étais pas une mauvaise chose. Il semblait dans de bonnes dispositions et si d’aventure l’entretien tournais au vinaigre j’avais toujours le recours de solliciter un accompagnement.

Je lui servi le même discours qu’à mon DRH en ajoutant que j’attendais que l’entreprise joigne la parole aux actes et prenne ses responsabilités si j’étais victime de trans-phobie.

Je vous fais grâce du débat qui suivit car cela n’a que peu d’intérêt pour mon propos.

La direction bien évidemment ne pris pas d’engagement quand à la reconnaissance de mon prénom d’usage mais l’essentiel était fait. J’allais pouvoir vivre ma nouvelle identité de genre jusque dans mon activité professionnelle et cela dès mon retour de vacances.

Je laissais ainsi à mes collègues le temps d’oublier l’homme pour découvrir la « nouvelle Armonia ».

A mon retour de vacances je n’en menais pas large.

Pourtant je fus très surprise de l’accueil qui me fut réservé. Tous mes collègues m’appelaient par mon nouveau prénom et il me sembla alors que j’avais toujours été Armonia.

L’encadrement joua aussi très bien le jeu. Je ne doute pas que le patron avait du donner des consignes claires.

Je ne suis pas naïve. Ce n’est pas pour mes beaux yeux (quoique l’on puisse toujours se faire des illusions, non mais alors !).

Je dirais prosaïquement qu’ils ont d’autres chats à fouetter que de se mettre à dos une syndicaliste dont ils connaissent l’opiniâtreté et les soutiens éventuels.

Cela révèle que les mentalités ont énormément évoluées. Ce qui est possible aujourd’hui ne l’aurait sans doute pas été il y a encore dix ou quinze ans.

Cela dit au cours de mon coming-out j’ai toujours essayé de respecter mes interlocuteurs. De ne jamais prétendre détenir la vérité et donner des leçons. Si je n’ai jamais transigé sur la reconnaissance de mon identité, j’ai toujours évité autant que possible la confrontation.

J’ai pris le temps de la réflexion de la consultation.

J’ai sollicité de l’aide et du soutien. C’est certes une démarche individuelle mais un accompagnement est parfois nécessaire lorsque il s’agit de se confronté à des directions d’entreprise pas toujours respectueuse.

Bien sur tout n’est pas administrativement réglé et l’entreprise ne reconnait toujours pas mon prénom d’usage sauf au sein de mon entité ce qui n’est tout de même pas rien.

Mais je peux enfin m’épanouir et parler librement. Je vis maintenant pleinement mon identité de genre. Je suis enfin Armonia dans ma vie privée sociale et professionnel.

Quel bonheur !

Je souhaite à toute de vivre une telle plénitude.

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