Je voudrais témoigner d’une étape essentielle dans un parcours de transition, celui du coming out auprès de ses parents.
En préambule, je voudrais préciser que mon témoignage sera forcément limité, j’ai perdu mon père il y a quelques années. Et même si je suis persuadée qu’il aurait compris et accepté ma démarche, je n’aurais malheureusement pas cette joie de partager ma transidentité avec lui.
Je voudrais aussi profiter de ce témoignage pour rappeler un certains nombre de points qui sont, à mon avis, très importants pour que cette étape clé d’une transition se déroule dans les meilleurs conditions possibles.
Pour ce faire, je vous propose de parcourir des morceaux de cette lettre de coming-out, paragraphe par paragraphe, en précisant les éléments clés et/ou les idées ou réflexions sous-jacentes.
Je suis bien consciente aussi qu’il est fort probable que ma mère vienne lire ce billet. Et j’en assumerai les éventuelles conséquences.
En espérant que cet exercice un peu original puisse vous donner quelques pistes et indications pour préparer et réaliser votre propre coming-out ; nous ne le répéterons jamais assez, chaque parcours, chaque vie est unique et en la matière les conseilleurs ne sont pas les payeurs ! donc cette lettre n’est certainement pas un modèle ni un tutoriel des bonnes pratiques.
Maman,
J’ai décidé de t’écrire pour aborder deux sujets qui sont d’importance pour moi, tous deux liés à mon identité et à un processus que j’ai engagé depuis quelques années pour être en harmonie.
Je suis à un stade où j’ai acquis force et paix intérieures pour t’en parler.
Je n’aborderais ici que le seul sujet de ma transidentité, le second sujet, relatif à ma naissance, n’a aucun intérêt dans le cadre de ce témoignage, il ne regarde que ma mère et moi.
Les deux points de cette introduction à ma lettre me paraissent essentiels :
- une transition c’est pour être en harmonie, quelque soit ce que vous mettez derrière cela et
- le coming out à qui que ce soit, à commencer par ses parents, devrait se faire quand vous en avez besoin et que vous vous sentez prêt, quelque soit ce que vous mettez dans “être prêt”.
Pour moi, “être prêt”, c’est avoir développé des capacités de confiance et de résistance face à l’incompréhension et la non acceptation, c’est avoir créé un environnement stable et solide pour vous soutenir dans les difficultés liées à votre transition, c’est surtout “sentir” que c’est le bon moment pour vous de le faire.
Je me dois vraiment d’insister sur ce point. N’écoutez personne d’autre que vous lorsque vous devez décider du bon moment. Quand vous y serez, vous le saurez. C’est difficile à expliquer, mais c’est comme ça.
Je me dois de te préciser que, par nature, ce sont des sujets « difficiles » à appréhender, et d’une certaine manière, qui sont interconnectés ; aussi j’ai pensé qu’il est plus aisé pour toi comme pour moi d’échanger initialement au moyen d’une lettre qui te permet de prendre connaissance de l’ensemble des éléments.
Bien évidemment, nous aurons ensuite tout loisir d’en parler de vive voix, certainement avec moins d’émotions et un peu de recul.
J’entends déjà certaines remarques sur la forme de mon coming out, et j’ai d’ailleurs eu quelques commentaires et questions sur mon statut facebook lorsque j’en ai parlé.
Comme pour le “bon moment” du coming out, la forme que peux prendre votre coming out n’appartient qu’à vous. C’est votre vie, c’est votre transition, vous avez le choix des armes !
Personnellement, j’ai considéré que ni ma mère ni moi n’étions capable d’aller au bout d’une telle discussion en face à face et qu’il serait plus efficace d’utiliser une lettre, courte, factuelle et précise, avec chaque mot utilisé longuement réfléchi. Et comme indiqué dans la lettre, cela permet de contrôler l’aspect émotif, le lecteur pouvant interrompre sa lecture à tout moment, y revenir, relire certains passages, …
Bien évidemment, vous pouvez utiliser d’autres moyens que l’écriture, comme le face à face, la vidéo ou le téléphone, par un intermédiaire, mais je ne vous recommande pas de faire cela par SMS ! utilisez le moyen qui vous parait à vous comme le plus adapté (à votre vie, à votre environnement, à votre histoire personnelle et familiale) et surtout ne culpabilisez pas si votre parent vous reproche la forme de votre communication, ramenez le sur le sujet de fond.
Pour en finir avec ce long préambule, je tiens à préciser que le contenu de cette lettre est certainement très direct ; ce n’est pas pour autant qu’elle serait écrite sans émotions. C’est juste mon style d’écriture.
Quelque soit votre style d’écriture, je pense qu’il est important de préciser que votre lettre n’est certainement pas parfaite, pourrait blesser non intentionnellement le lecteur ou sembler trop technique, un peu froide, sans émotion.
J’y suis d’autant plus sensible que je reçois parfois ce genre de reproche avec certains de mes écrits sur internet, donc je me méfie de ma plume et je ne souhaite pas que la forme utilisée devienne un prétexte utilisé par ma mère pour se cacher derrière un déni de mon coming-out.
Il m’aura fallut des dizaines d’années pour sortir d’un déni étouffant et assumer pleinement ma différence, qui n’est ni une lubie, ni un fantasme, ni une maladie.
C’est en octobre 2010 très précisément que j’ai mis un nom sur mon ressenti interne, en le révélant au passage à mon ange d’amour Agnès : la transidentité.
En clair, j’aurais préféré être née fille.
J’ai volontairement synthétisé ma transidentité en quelques lignes essentielles. J’ai volontairement supprimé toute justification ou tentative d’explication et j’ai volontairement oblitéré tout mon cheminement depuis mon adolescence (périodes de solitude, de travestissement ou de dépression notamment).
Ma mère a déjà vu il y a plus d’un an une photo de moi en nana, photo de travesti que j’avais envoyé par MMS, une forme d’acte manqué. Je ne m’étendrais pas sur les situations dans lesquelles je me suis retrouvée ensuite.
Car si le mécanisme est sensiblement le même, le coming-out d’un transidentitaire est d’une magnitude plus difficile lorsque l’on réalise les effets de bord sur sa vie et celle de ses proches qu’avouer se travestir par penchant pour les habits du sexe opposé. J’aurais tellement voulu pouvoir résumer cette photo à du travestissement. Je ne voulais pas mentir mais je n’étais pas prête à révéler ma transidentité. J’ai préféré me taire laissant dire les méchancetés habituelles sur les hommes maquillés déguisés.
Pour revenir à ce paragraphe de la lettre, j’essaye de ne pas être dans le pathos, j’informe des éléments importants de mon coming-out : prise de conscience longue et difficile, irréversibilité de mon état, anticipation de préjugés et surtout, j’appelle un chat un chat. je suis une fille.
Et c’est à partir de cette ligne déclarant ma transidentité que je vais m’autoriser des phrases avec des accords féminins. Volontairement, toutes les phrases précédent cette ligne utilisent des tournures ne permettant pas de découvrir ma féminité.
Depuis cette révélation, et après une longue phase d’introspection, de réflexions, d’écritures et de rencontres d’autres personnes transidentitaires, et avec le soutien de plusieurs personnes très proches, à commencer par mon amour d’Agnès, j’ai pris la décision d’être moi.
J’insiste sur mon questionnement et sur le sérieux de ma décision et sur le soutien que j’ai déjà obtenu. Si ma mère devait se sentir coupable, ce ne serait pas d’avoir une fille-garçon mais de ne pas me soutenir dans ma démarche.
J’ai notamment entamé des modifications physiques et biologiques visibles et pour certaines irréversibles, comme un traitement hormonal substitutif, le 5 octobre dernier.
Ce point est l’élément justifiant en partie la décision de l’informer maintenant. Certaines de mes modifications biologiques, après un mois de THS, commencent à être visibles et je ne souhaite pas entrer dans une période de non-dits, de tabou, de remarques désobligeantes ou blessantes même non intentionnellement.
La référence à ma date de naissance lui aura parlé. C’est une renaissance dont il s’agit.
Que dire de plus si ce n’est que durant toute cette transition de quelques années – que je souhaite la plus discrète et la plus heureuse possible – et par la suite, je reste la même personne (expériences, compétences, personnalité, goûts, passions, qualités, défauts, …) mais différente socialement (femme transsexuelle) et enfin épanouie.
Suite logique de mon coming-out, il me faut informer de la transition en cours et en donner les éléments clés : temps, discrétion, bonheur et épanouissement mais surtout que je reste la même personne.
A mon sens, ce paragraphe est essentiel pour démystifier la transidentité. Oui j’ai un traitement hormonal, oui je vais vivre dans le genre opposé à celui de ma naissance mais pour tout le reste rien n’a changé sauf mon épanouissement, mon bonheur de vivre.
Affectueusement,
—
(Xxxxx) Julie
J’ai terminé cette lettre par un petit paragraphe gentil (qui restera personnel) et en signant avec mes deux identités.
Et c’est dans cette signature que ma mère découvre mon prénom féminin. J’avais pensé en parler avant, dans le corps du texte, mais je voulais éviter de bruiter le message car je me serais sentie obligée d’expliquer l’origine de ce prénom et je craignais aussi qu’elle ne focalise ou personnalise trop sur le prénom et non pas sur le fond du sujet.
Au travers de la forme de cette signature, j’essaye aussi d’indiquer la disparition progressive de mon côté garçon, entre parenthèse, et la nouvelle vie féminine qui se met en place. Je n’ai ni oublié ni rayé mon prénom masculin, il fait partie intégrante de moi, je ne renie pas mon passé, je veux juste m’épanouir dorénavant au féminin.
Et ensuite ?
A la date où j’écris ce billet, quelques heures après l’envoi de ma lettre, je me sens beaucoup plus légère même si je n’ai pas encore de nouvelles. Je sais qu’il va me falloir être très patiente. Elle peut se sentir coupable et/ou entrer dans une phase souvent longue de déni. J’en ai parlé dans le cadre du processus de deuil.
Cela pourra prendre plusieurs semaines, mois ou années pour que ma mère m’accepte telle que je suis. Je sais qu’elle a aussi le soutien de ma sœur, déjà au courant depuis plus d’un an et qui a très bien accepté ma transidentité. Je veux juste éviter de me retrouver dans des scènes difficiles et j’espère que j’aurais l’occasion de répondre à son propre questionnement, au besoin en pointant certains articles ici, et un jour peut être, avoir des relations vraies et sereines fille-mère.
Voilà, la zone des commentaires est à vous ou même pour nos talentueux auteurEs, un témoignage à publier. N’hésitez pas pour celles ou ceux qui ont déjà réalisé leur coming-out auprès de leurs parents de témoigner de votre propre expérience. Et pour celles ou ceux qui s’y préparent, comment vous anticipez cette étape clé de votre transition.
Soyez le premier à commenter