Chez l’être humain, le deuil est une réaction normale à une douleur ou une angoisse liée à une perte : perte d’un amour, décès d’un proche, perte d’un emploi … c’est un processus de guérison qui s’enclenche lorsque la perte impacte la vie de la personne, qui est très inconfortable et très douloureux et qui s’apparente à un état maladif. Car si ce processus est réprimé, nié ou intériorisé, il peut conduire à une réelle maladie psychologique voir physique grave.
Avoir connaissance de ce mécanisme de défense, assez générique et pas spécifique à la problématique transidentitaire (cf les travaux de la psychiatre suisse mondialement connue Elisabeth Kübler-Ross), puis en prendre conscience, peut vous aider, vous et vos proches à le gérer plus efficacement.
Ainsi, lorsque des parents sont informés lors d’un coming out de la transidentité de leur enfant et qu’il envisage (éventuellement) un changement de sexe, ils éprouvent habituellement un choc assez violent, mélange de sentiments de trahison et de perte. Car si ils peuvent tout à fait être en mesure de comprendre cette transidentité et même de l’accepter intellectuellement, il n’en est absolument pas de même au niveau émotionnel. Ils ont le sentiment d’avoir perdu leur fils (ou leur fille).
Le poids émotionnel ressenti par les parents commence par ce sentiment de la perte de leur enfant puis se renforce par ce sentiment d’impuissance qui va à l’encontre du plus élémentaire instinct parental … celui de protéger sa progéniture. Face à une telle annonce, le plus souvent totalement imprévue, les parents sont comme sonnés et s’imaginent, à tord, qu’ils auraient pu éviter cette “tragédie”.
Lorsque ce sentiment d’impuissance s’installe, les parents réalisent que leur conviction de posséder la capacité de contrôler et d’avoir leur mot à dire dans l’environnement familial est mis à mal. Ils doivent alors trouver la force et l’énergie de croire à nouveau en eux-mêmes en re-développant leur estime de soi.
Notamment, ils ne doivent pas ressasser le passé en pensant à tout ce qu’ils n’ont pas fait et qu’ils souhaiteraient avoir fait. Ils doivent réaliser que le passé est le passé et que la transidentité de leur enfant n’est pas liée à des situations qu’ils auraient mal gérés. Ils n’ont rien à se faire pardonner, ils ne doivent penser qu’en terme positif et se remémorer tous les bons moments dans leur relation parent-enfant. Ils n’ont pas à se punir ni à s’attarder sur les aspects négatifs court-terme de ce choc émotionnel.
S’adapter à cette nouvelle situation, accepter la réalité de ce changement, construire cette nouvelle relation parent-enfant est un processus de guérison long et douloureux qui passe par des étapes précises que chaque individu doit parvenir à franchir plus ou moins facilement, plus ou moins rapidement, pour atteindre cette guérison définitive : le déni, la colère, la négociation, la dépression, la culpabilité, l’acceptation et enfin la renaissance. Passage en revue.
Le déni
Le déni est la première étape. Le parent est comme anesthésié et l’incrédulité s’installe. “je n’y crois pas”, “si je ne pense pas à ça, le problème va disparaitre”, “cela ne peut pas m’arriver”.
Cette étape ne devrait pas durer plus de quelques semaines, la personne reste stoïque et continue à nier ses sentiments. Il est nécessaire d’apporter une aide, d’expliquer encore et encore et de la mettre devant ses émotions.
La colère
Une fois la nouvelle digérée, le parent va exprimer de la colère, soit vers l’extérieur comme de la rage, soit vers l’intérieur, vécue comme une phase dépressive. Avec des réactions comme “pourquoi moi ?”, “c’est injuste après tout ce que nous avons fait pour lui (elle)”, …
Blâmer les autres est un moyen d’éviter la douleur personnelle, la tristesse et le désespoir, un moyen de lutter contre le fait que la vie n’est jamais juste.
Nous devons prendre conscience que nous avons tous des raisons différentes de ressentir ce que nous ressentons, que nous avons tous des moyens différents de les exprimer. Les sentiments des personnes sont des éléments légitimes de leur personnalité et il ne faut pas avoir honte de ces émotions.
Cacher sa colère ne la fera pas disparaitre, bien au contraire. Vider son sac permet de traverser plus rapidement cette étape.
L’enfant transidentitaire et l’entourage du parent en colère doit aussi comprendre que si il devient la cible de cette colère, il ne doit pas la prendre personnellement car cette colère doit être exprimée, elle doit passer au travers de lui.
La négociation
Après la phase de colère, le parent va essayer de gagner du temps pour accepter la réalité de la situation.
Il va négocier pour retarder l’inévitable, notamment rencontrer son enfant sous sa nouvelle apparence vestimentaire ou faire usage du nouveau prénom. “je viens te voir si je vois Gilles (au lieu de Julie)”, “je déjeune avec toi si tu es en pantalon (robe) et sans (avec) maquillage”, …
La dépression
Le parent est assailli de multiples sentiments comme l’impuissance, le désespoir, la tristesse, la déception voir la solitude ou le sentiment d’abandon. Il est important que la personne puisse éprouver ces sentiments, ne pas y résister sans s’y complaire et puisse les exprimer.
Un soutien est nécessaire pour que la personne ne sombre ni dans la mélancolie ni dans la déprime. Les amis du couple parental peuvent être mis à contribution. Ou bien un thérapeute. L’essentiel est de ne pas rester seul ni se fermer sur soi-même.
L’enfant lui même peut parfois agir, au moins indirectement, par sa joie de vivre, sa présence chaleureuse, un petit message, …
La culpabilité
Le parent peut se sentir coupable de la situation. “il n’aurait pas … si …”, “et si j’avais …” sont des questions qui ne pourront jamais être résolues. Les faits ne sont jamais disponibles pour savoir ce qui aurait pu arriver si.
La personne doit absolument se débarrasser de ces pensées “si seulement” qui sont irrationnelles et indécidables. Ces pensées ne font que nourrir ce sentiment de culpabilité en ralentissement une fois encore le processus d’acceptation et donc la guérison définitive.
Le parent doit accepter la réalité de ce qui s’est passé, la réalité de l’annonce. Et cela ne peut pas être changé. Mais toute personne peut changer ce qu’elle en pense et choisir de ne pas se sentir coupable.
La personne doit prendre conscience qu’elle doit choisir entre mettre des barrières émotionnelles et se sentir coupable et complétement impuissante ou bien élargir le champ de sa pensée pour créer les conditions d’un changement positif.
L’acceptation
L’acceptation va progressivement se matérialiser lorsque les parents vont pouvoir à nouveau penser à leur enfant sans être pris par des sentiments émotionnels de nostalgie ou de tristesse.
Dans cette phase d’acceptation, les parents ne sont plus coincés dans un passé révolu, ils recommencent à vivre dans le présent et peuvent commencer à faire des plans pour l’avenir. Ils sont capables de vivre sans avoir réponse à toutes leurs questions, réponses qu’ils n’auront jamais.
Cette étape n’est généralement pas une étape très heureuse. C’est simplement une étape où l’acceptation totale de la transidentité de son enfant est atteinte, la douleur a disparu et la lutte interne est terminée. La cause du deuil devient progressivement un souvenir.
La renaissance
Suite à la prise de conscience et l’acceptation de la transidentité, le parent devient à nouveau capable de s’attacher et de construire une nouvelle relation de confiance, d’amour et de tendresse avec son enfant.
La vie continue avec ses joies et ses peines !
Comme pour toute perte, l’annonce de la transidentité de son enfant nécessite que chaque parent travaille son processus de deuil, à son rythme et avec le temps nécessaire pour franchir chacune des étapes.
L’enfant transidentitaire doit aussi prendre conscience que chaque personne est différente, avec des réactions différentes à chaque étape. Certains gèrent leur chagrin plus facilement, d’autres auront besoin d’aide et de temps.
Pour reconstruire cette relation parent-enfant, il doit aussi être présent et attentif aux réactions des parents, analyser les motifs de blocage à chaque étape, et donner du temps au temps. Il a fallut souvent plusieurs années à la personne transidentitaire pour se découvrir et pour engager sa transition. Il ne peut pas exiger de ses proches une acceptation émotionnelle dans l’instant.
L’important reste de partager ses émotions, de parler de ses réactions pour s’aider entre parents et enfants à se fortifier ensemble, à élever sa conscience de l’événement. Et l’aide d’un psychologue peut s’avérer utile si la personne se sent trop fragile.
Que vous soyez croyant, athée ou agnostique comme moi, il faut se rappeler qu’il y a toujours un équilibre dans l’univers. « Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Pour chaque perte il y a un gain. La parentalité transidentitaire n’échappe pas à cette règle.
Aussi, survivre à la douleur de cette perte ne signifie pas que les parents doivent oublier complétement le passé de leur enfant transgenre. Car cet enfant est dans leur vie et dans le cœur à jamais mais son rôle doit et va changer et évoluer.
J’espère que les idées que j’exprime dans le présent article pourront contribuer à aider les parents mais aussi les enfants transgenre à appréhender ce choc émotionnel, à composer avec la perte d’une relation ancienne et le début d’une nouvelle, à construire ensemble, tout aussi pleine de joie, d’émotions et de bonheur.
La zone commentaires est à vous, pour témoigner de la manière toute personnelle que vous avez utilisé en tant que parent ou que vos parents ont utilisés pour gérer ce processus de deuil à l’annonce d’une transition.
Merci pour cet article qui permet d’avoir une grille de lecture pour des situations de la vie délicates et qui impliquent des transformations profondes dans notre mode de relation aux autres.
Personnellement, j’ai utilisé ce processus de deuil pour ma situation personnelle lorsque j’ai pris conscience de ma transidentité. Je l’ai également utilisé au moment de mes différents coming out auprès de mon entourage.
Par exemple, j’ai mis beaucoup de temps ( plusieurs années) avant de m’accepter différente du genre qui m’avait été assigné à la naissance ( qui été basé sur mon sexe déclaré à l’état civil). J’ai considéré ma période d’alternance de genre comme l’étape de négociation et vécu ma période full time comme l’acceptation de ma transidentité.
Vis à vis de mes enfants, je leur ai expliqué que le deuil de ma masculinité (que j”avais eu à gérer) aurait des similitudes sur le deuil du père qu’ils avaient connus, que je resterai éternellement leur père biologique ( leur géniteur) .
Ils ont eu un travail à faire pour se rendre compte que notre relation ( père-enfants) qui était née de cette filiation génétique ne serait pas perturbée par ma transition car mon “être” ne serait pas modifié ( seulement mon apparence à leurs yeux).
Lorsqu’on a connaissance de ces mécanismes liés au processus de deuil, il faut laisser du temps à notre entourage et ne pas griller les étapes car les personnes qui nous sont proches ne sont pas au même niveau de compréhension de cette situation.
Bonsoir,
Mouais … On a beau connaître ces étapes techniques, après faut le vivre et là, c’est pas toujours simple.
Mes parents sont restés dans le déni 7 mois, puis ont été odieux et effondrés à la fois. Ma mère est revenue mais ce n’est pas simple. Mon père est “absent” depuis 7 mois. Il y a probablement depuis cette phase de la négociation qui s’est engagée puisque ma mère espère que ce sera passager et que je reçoit des cartes postales à mon ancien prénom.
Sur le principe, je suis une enfant sage et raisonnable alors je ne suis pas inquiète et je sais qu’il faudra du temps. Je savais que mon acceptation transidentitaire risquait de causer des dommages familiaux et j’assume.
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En vrai, ce n’est pas si simple parce que j’en veux excessivement à mon père et je n’ai donc pas envie de faire d’efforts. Je me protège aussi. Sur ces bases, des occasions se ratent probablement. J’ai bien morflé à Noel et j’ai pas envie de recommencer. La vie est suffisamment dure parfois pour ne pas s’en remettre un p´tit coup en rendant visite à ses parents.
Les dommages collatéraux sont réels parce que ma fille a explosé ma mère avec des mots durs (elle a probablement bien fait puisque j’ai reçu des excuses de ma maman dans la foulée) et elle ne veut plus voir mon père : elle a des mots terribles contre lui. Je la trouve lucide et sa solidarité me touche mais en même temps cela me désole.
Derrière tout cela, le “deuil” est sans doute difficile car il y a déjà eu le deuil de mon petit frère, à un jeune âge, deuil réel cette fois et très douloureux pour tout le monde. Cela doit donc être difficile pour eux mais c’est également difficile pour moi.
Bref, à écrire tout cela, je m’aperçois que de mon côté, je n’ai pas vraiment passé le stade de la colère non plus. Ce n’est pas facile d’oser une transition, on se retrouve très seule, éloignée de sa famille, avec les doutes, avec les peurs, avec le visage ingrat d’une adolescente attardée. Il faut affronter le monde extérieur, les anciens amis, le corps médical, l’employeurs et l’univers professionnel, la justice … On est émerveillée par la découverte d’une vie enfin simple, sans culpabilité, sans honte, mais l’effort consentis pour y arriver est une épreuve de force. Alors, on aimerait bien avoir un papa et une maman gentils, qui essayent de comprendre, qui essayent de ne pas blesser … On aimerait bien traverser l’épreuve avec eux, se sentir aimée et pas rejetée même si la vie nous éloigne un peu.
Je comprends pas cette histoire de deuil. Ma fille non plus, d’ailleurs. J’ai envie de rappeler : “et si vous l’aviez vraiment ce deuil, si je disparaissais hors de ma famille en mourant dans mon coin, ce serais quoi comme genre de deuil ? Un super deuil ? Un deuil ++ ?”. C’est ridicule. Ce mot de deuil est ridicule. Le deuil, c’est la mort. La vraie mort avec le visage blanc et froid et le désespoir de ne plus jamais revoir cet être vivant et les cauchemars qui vous détruisent les nuits et plus jamais on ne revoie cette personne … 30 ans après, j’en pleure encore, la mémoire est brulante, la douleur est intacte alors je l’encule votre deuil transidentitaire de merde. Vous me faites chier avec vos explications de psy à la con. La vérité, c’est que mes parents sont des vieux cons et ça me rend malade de rage. La vérité est que ça me rend triste qu’ils soient si con.
J’ai pas envie de les excuser.
C’est facile après 14 mois d’essayer de revenir maladroitement en m’envoyant des cartes postales à mon ancien prénom ou en s’affolant au téléphone quand je ne réponds pas. Si encore, c’était un retour franc “on t’aime, on souffre mais on t’aime” mais même pas. Faudrait en plus que je me fade la négociation, la dépression et la culpabilité … avec son cortège de maladresses et de phrases blessantes. Je suis désolée mais je viens de vivre une année éprouvante et les combats ne sont pas finis alors je n’ai pas envie, en plus, de jouer la psychologue à deux balles pour vieux parents attardés. Vous voulez pas me voir ? Je suis un deuil ? Gardez le, votre deuil, ça me fera des vacances. Quand vous serez guéris, vous viendrez couiner à ma porte si ça vous chante et je viendrais vous ouvrir parce que moi, je vous aime et ce n’est pas parce que vous êtes devenues vieux, moches et cons que je vous considère comme mort. Seulement, je n’ai plus envie qu’on m’abime. Je préfère l’absence aux mots durs et je préfère oublier que je suis un deuil pour mes salauds de parents. J’irais les soigner quand ils seront malades. Et ils peuvent s’estimer content. En attendant, qu’ils le gardent, le souvenir de l’autre qu’ils aimaient tant : un mec déprimé, bizarre et triste mais même ça, ils n’ont pas été foutu de le voir.
Désolée, tu voulais une démarche personnelle. Une autre Candice, sûrement. Rage froide.
ne soit pas désolée Candice. Ton témoigne est émouvant, illustre les trois premières étapes qui peuvent très longues chez certaines personnes ; et éclaire parfaitement bien le passage de la théorie à la pratique …
Peut être que cette colère qu’ils ont encore en eux et que tu as en toi, il faudrait une bonne fois vous l’évacuer plutot que tenter de vous éviter.
Le temps fera son œuvre et je te souhaite de retrouver alors un climat familial apaisé.
<3
“un mec déprimé, bizarre et triste mais même ça, ils n’ont pas été foutu de le voir.”
ça résume bien la vision de ma mère. Elle avait tellement peur qu’on lui dise qui si elle n’a pas le garçon idéal c’est de sa faute qu’elle me faisait culpabilisait en niant les problèmes.
Les cons m’ont encore cassé la gueule !
Ils ne t’ont pas cassé la gueule, ils t’ont chahuté, c’est pas pareil mais à force de fuir le contact avec les autres, tu n’as jamais appris la différence
Casser la gueule c’est quoi ? ça n’arrive qu’aux autres, ceux qui vont dans de collèges de banlieue, où il y a des couteaux, des flingues, de la drogue… Est-ce que ta mère t’aurait envoyé là-dedans ?
Chahuter c’est quoi ? c’est des jeux entre garçons consentants car entre enfants ça ne peux être que des jeux et les jeux de garçons, ça chahute.
Machin t’a piqué ta trousse, c’était parce qu’il avait envie de jouer avec toi. Mais comme tu parles pas aux autres, tu n’a pas compris. Je te dépose devant chez lui et je reviendrais te chercher dans quelques heures, sinon tu t’en rachetteras une avec ta tirelire.
L’école à encore appelé pour me dire de t’envoyer voir un psy, tu sais ce que ça veux dire ? Le psy c’est celui qui voit des fous, on pense que tu es fou parce que tu ne veux pas jouer avec les autres, on va te faire interne !
Mon père dit que si je suis con, c’est que je tiens de ma mère.
ça fait des années que je ne vois plus ma famille, de toutes façons, on ne me laissera pas entrer avec une “allure négligée” (comprenez “cheveux longs”).
Et puis qu’est-ce que je vais raconter ? Que malgré ma tronche, je ne suis pas le bogoss qui réussit tout ce qu’il touche grâce à la baguette magique de son pantalon ?
Aujourd’hui encore, quand je vois des psy, j’ai l’impression qu’ils pensent que j’aurais été “récupérable”, si on s’y était pris plus tôt.
Ce mot de deuil est ridicule. Le deuil, c’est la mort.
Oui et non. Le deuil, c’est de faire face à la fin de quelque chose d’important, ou à son échec. On peut faire le deuil d’une relation sentimentale ou amicale, par exemple, si c’était une relation importante qui a mal fini. On peut faire le deuil d’un rêve, comme le fils d’une de mes collègues, un sportif professionnel qui malgré son âge et ses blessures quasi-constantes, n’arrive toujours pas à décrocher pour de bon et à cesser de chercher désespérément un nouveau club tous les six mois.
Mon ex-mari a du faire le deuil de l’enfant normal, de la famille normale, de la VIE normale, quand notre fils a été diagnostiqué comme étant autiste. Du jour au lendemain, lui qui a besoin de pouvoir se projeter un minimum dans l’avenir, de pouvoir le préparer, il devait accepter qu’on partait à l’aventure, qu’on ne savait pas ce que notre fils pouvait et allait devenir ou quels chemins il prendrait pour y parvenir. C’était fini pour nous, les étapes classiques du développement des enfants, et les classes à passer les unes après les autres à l’école. C’était fini, la comparaison rassurante avec les enfants des voisins et des collègues (“Okay, il est un peu en retard ici, mais il est en avance là, là et là, donc tout va bien.”) Et ainsi de suite. Moi je n’ai pas de concept de normalité ancré au fond de moi pour commencer, donc j’ai pu me remettre en piste relativement facilement, mais ça a été beaucoup plus dur pour mon ex. Il est visiblement passé par plusieurs des étapes décrites ici, et je soupçonne que si je n’ai pas vu les autres, c’est juste parce qu’il me les a cachées pour ne pas alourdir mon fardeau encore plus.
Alors oui, je peux comprendre que pour les parents de trans, il y ait aussi souvent un deuil à faire.
– Ils avaient imaginé un avenir avec et pour cet enfant, une vie “parfaite”, heureuse et réussie, et ils pensent qu’ils doivent dire adieu à toute cette vie. Pour prendre un exemple stéréotype, Julie devenue Gilles ne sera jamais enceinte et Patrick devenu Pauline ne mettra jamais une fille enceinte. Oh, ils pourront avoir une famille, ou conserver celles qu’ils ont déjà, mais ce ne sera pas la famille dont leurs parents avaient rêvé.
– Aussi bien l’un que l’autre, les bébés de leurs parents même une fois parvenus à l’âge adulte, vont traverser de terribles épreuves, et leurs parents sont impuissants à empêcher ça; il leur faut faire le deuil de leur pouvoir de protéger leurs enfants de tout.
– Et pour les parents plus égoïstes ou conservateurs, il y a évidemment la peur du qu’en-dira-t’on, et la nécessité d’affronter le fait que toute la famille va devenir monstrueuse aux yeux des voisins; il faut faire le deuil de sa propre réussite sociale.
Et ainsi de suite.
Cela dit… Je n’ai pas vraiment l’impression, à te lire, que tes parents aient réellement passé le cap du déni 🙁 Ton père qui t’ignore complètement, ta mère qui t’écrit à ton ancien nom, c’est quasiment la définition du déni… Pas étonnant que ta fille ne supporte pas de les voir!
Quant à toi, Candice: tu n’as aucun devoir à continuer à te faire du mal. Tu leur as donné du temps, des explications, et des occasions. Ils n’en ont pas profité et refusent d’avancer. Tu as donc parfaitement le droit de te détacher d’eux pour ta propre protection et celle de tes proches qui te soutiennent comme ta fille. C’est TA vie, donc ta priorité est toi-même, et non, tu n’as plus aucun devoir d’être là pour les aider à traverser LEUR deuil. Comprendre et accepter qu’ils vont devoir faire un long et douloureux chemin n’implique pas forcément que tu devras être à leurs côtés. Reconnaître leur deuil n’entraîne pas la négation de tes besoins de te protéger et de poursuivre ton propre développement. Mais je ne m’inquiète pas: ton dernier paragraphe me laisse à penser que tu ressens déjà cette double et apparemment contradictoire vérité 😉
Yes 😉 J’ai décidé de me protéger et je m’en sors bien pour l’instant. Je sais qu’il leur faudra du temps, qu’ils se démmerdent. Juste des fois, ça me saute au visage … Quand je suis fatiguée en rentrant du boulot (toujours sur mon vélo et après une longue et dure semaine), en lisant un post txy sur les parents, comme hier soir … dans ces situations, je m’énerve toute seule et je crois que c’est une assez bonne attitude, j’évacue.
Bien sûr que je leur en veux. Je n’ai pas honte de cette réaction, assez saine dans le fond. Bien sûr, je pardonnerais, quand le temps sera venu.
Bisous.
Bonjour,
Ce n’est pas simple ni pour toi Candice ni pour tes parents ton témoignage est touchant, cependant j’ai une petite question comment réagirait tu si ta fille venait t’annoncer qu’elle veuille changer de sexe ? même si tu es bien placée pour le comprendre certes …… n’aurait tu pas du mal à avaler la pillule ?
Laisses le temps au temps !!!!
Bon courage !
Coucou,
Je relis mon post et vos réactions. Je me dis qu’il y a deux choses là-dedans. Surtout, je dis non à la transphobie inconsciente des trans.
D’abord, il y a une réaction épidermique à quelque chose que j’ai du mal à avaler. Bon, je vous rassure … je me suis bien défoulée avec ce post et ça fait du bien 🙂 C’est important de lâcher prise, des fois. Je suis contente de l’avoir fait sur ce forum parce que cela montre que même avec ma transition “facile”, il y a quand même des noeuds parfois.
Ensuite, je veux faire une réponse à quelque chose qui me gêne profondément. Cette notion de deuil mais aussi ce regard méprisant que nous portons sur nous-même, sans s’en rendre compte. Tu vois Jonquille, ta réaction est ultra-classique mais aussi bien transphobe. D’abord, pour te répondre, cela ne me gênerait pas que ma fille soit trans. Elle est très belle fille, elle serait beau garçon et je l’aime. Au fond de moi, je râlerais peut-être et je serais un peu triste, parce que je sais que ce n’est pas le chemin le plus simple, mais je l’aiderais du mieux possible. En tout cas, il ne me viendrais pas à l’idée que c’est un “deuil” (même si je comprends que le sens que vous donnez à ce mot n’est pas aussi fort que la mort) ni que c’est terrible. Il est là le problème.
Pourquoi considère t-on que la transidentité est terrible au point de justifier que nos propres parents nous rejettent et/ou souffrent atrocement ? Vous vous rendez compte du peu d’estime que vous avez de vous même pour intérioriser une chose pareille ?
J’en reviens toujours aux deux hypothèses :
– soit la transidentité est un état, comme l’homosexualité, la passion du foot, le mauvais caractère ou autre … #mongenrenestpasmonsexenonnonnon #hammargbergvaincraforever … dans ce cas, mes parents sont justes de vilains transphobes et je peux essayer d’être tolérante mais je ne vais pas non plus m’aplatir et les remercier.
– soit la transidentité est une maladie … #saintesofectpriezpourmoi #pathologisezmontranssexualismejevousprie … dans ce cas, l’attitude de mes parents est honteuse et injustifiable. Cela s’appelle “tirer sur une ambulance”
Alors, qu’ils aient du mal à avaler la pillule, que les trans soient encore tabous et qu’au final, mes propres parents (victimes de la société) me prennent pour une grosse salope invertis qui pue sa race, je veux bien comprendre et je comprends trop bien … Mais que Nous, Trans, nous ne soyons même pas capable d’une sainte colère et qu’on justifie l’injustifiable “ouais faut te mettre à leur place, et si ta propre fille le faisait hein ? hein ?” – on dirait l’argument des anti-peine de mort ! “Et si c’était ton propre enfant qui était un ciminel?”. Non mais ça va pas la tête des fois ?
Râlez, pleurez, débattez-vous, hurlez … mais soyez fières bordel !
Bisous
Candice
Toi tu aiderais ta fille car tu en connais toutes les souffrances ! mes tes parents n’ont pas le même âge que toi, c’est une autre génération et à leur époque je ne pense pas que l’ont parlais de votre différence autant qu’aujourd’hui …..
(Tu vois Jonquille, ta réaction est ultra-classique mais aussi bien transphobe.)
je ne savais pas que le fait d’être en désaccord avec une personne était ultra classique et bien transphobe je vais m’endormir moins idiote ce soir 🙂
(je ne suis pas étonnée de ta réaction 🙂
Je te souhaites pleins de bonnes choses pour la suite ! et je suis sincère malgré tes allusions …..
Le mot de deuil n’est pas trop fort. Non. Il n’est pas trop fort du tout. Il a une belle réalité.
“J’aurais préféré aller sur ta tombe que te savoir comme ça. Adieu. Va au Diable !” (15 juillet 2011, retour de Bangkok, ma mère au téléphone. Depuis plus de nouvelles.).
Elle aurait préféré que j’y reste avec ma maladie hormonale mortelle plutôt que de passer sur la table d’opération chez Chettawut. Eh oui ! En fait, elle aurait préféré un vrai deuil. A la réflexion, je pense qu’elle m’en voulait de lui “imposer” un deuil à vie, ou tout au moins c’est l’idée qui me vient en ressortant cette phrase que j’entends résonner dans mon oreille comme si c’était hier.
Oui, il s’agit bien d’un deuil et cela n’a rien de bien psychologique. C’est une réaction viscérale, animale, communautaire. Elle est bien loin des psys.
“Tu vas voir. Je vais rapidement finir cette affaire. Je vais la terminer en te mettant un grand coup de fusil dans la gueule ! Espèce d’enculé !! Monstre !” (Mon père, 25 août 2011, après plusieurs mois de harcèlement tant mails, SMS, que téléphoniques)’. Je me suis fortement fâchée. J’ai dû employer une colère ultra-dure pour régler l’affaire. J’ai eu peur pendant des mois qu’il mette sa menace à exécution. J’ai donc passé une convalescence de SRS la peur chevillée au ventre. J’habitais à l’époque dans un passage ouvert à tous vents et un peu isolé de la rue. Là aussi, mon père aurait préféré un vrai deuil à ce deuil dans lequel il doit encore vivre.
J’ai souffert de ce rejet parental. J’en souffre encore. De ce rejet parental… j’en fais… mon deuil. C’était ma seule famille. Je suis fille unique et il y a bien longtemps que mon père avait écarté toute famille autour de nous. J’ai bien une cousine, mais depuis dix mois je ne l’ai pas vue, pas de signe de vie. Elle est occupée par ses parents, ses sœurs, ses neveux, ses nièces, enfin… Par tout le monde qui lui pompe son énergie mais jamais par sa cousine qui ne demande qu’une chose, la voir simplement sans lui demander d’aide. Donc, je n’ai plus du tout de famille au sens “sang” du terme. Pour le coup, c’est de mon côté que je fais le deuil d’une famille. Et ce deuil n’est pas terminé, même deux années après, presque trois si on compte la période houleuse de harcèlement au départ de transition.
Transphobes ? Je ne crois même pas qu’ils le soient. Ils ont juste perdu leur repère. J’étais leur fils prodige. Ils ont pensé que je “finirais” sur le trottoir, que je perdrai tout, que j’étais malade sexuel. Ils perdaient ma notoriété et c’était finalement dans leur tête leur plus grande perte. Le fameux qu’en dira-t-on. Ce n’est pas de la transphobie, c’est la bêtise de suivre ce que des connards de psys à deux balles, eux réellement transphobes, ont insufflé à la société depuis les années 70. Cette transphobie là j’y crois beaucoup plus. Mes parents ont juste été des moutons de Panurge, trop imprégnés des reportages à sensation sur les trans’ brésilienne du bois de Boulogne, reportages eux-mêmes induits par cette transphobie insufflée dans la société dans les années 70 par ces psys transphobes.
Mes parents transphobes ? Non. Juste deux personnes manipulées à souhait par les médias et les psys. Ça par contre, j’y crois beaucoup plus.
Les reverrai-je un jour jamais ? J’ai la sensation que oui. Je pense qu’ils observent. Je suis assez facile à retrouver pour ma partie professionnelle sur internet. Ils ont déjà connaissance du gros dossier que j’ai mené cette dernière année, j’en suis totalement sûre. Il est marqué dans ma liste de clients sur mon site professionnel.
Alors à chaque fête depuis début 2013, j’envoie un mail, un SMS. Je le fais avec conviction. Je le fais parce que malgré tout je les aime. Et ce n’est pas cette haine qu’ils ont après moi, provoquée par la colère, qui m’empêchera de les aimer.
Je devais faire ce chemin. Je l’ai accompli et j’ai une vie totalement harmonieuse. J’ai réussi à m’en sortir malgré les embûches que j’ai dû vivre en phase de transition jusqu’à fin 2012, moment où mon état-civil a été définitivement changé, car on a vraiment la paix après cette ultime étape (en France), on vit enfin sans se dire que nos papiers vont nous outer. Eux continuent à se complaire dans ce deuil. Je suis réellement triste pour eux et j’espère qu’un jour ils iront mieux et que nous nous retrouverons.
De mon côté, je ne leur souhaite aucun mal et j’espère qu’ils sont en bonne santé.
Bonjour Alexandra,
Ton témoignage m’a profondément émue !
Je suis réellement triste pour eux et j’espère qu’un jour ils iront mieux et que nous nous retrouverons.
Je te le souhaites de tout mon coeur.
Gros bisous
Chaque nous faisons le deuil d’une journée de vie passée… Mais il est trop tôt pour faire le deuil de celles qu’il restent à vivre et surtout pour un enfant toujours vivant et surement bien plus qu’avant sa transition, alors vivons et quoi que l’on en dise ou que l’on en ressente existons et comme nous devons le faire pour être nous même! Le seul deuil que j’ai fait c’est celui d’une vie en tant que femme mais aucunement celui d’une vie féminine, mais bien sur facile pour moi, je ne suis qu’un travlo aux yeux de la plupart, même ici, alors si oui je n’ai pas eu à faire porter le deuil de ma vie “d’homme” à mes proches, eux ils subissent juste la transphobie que vivent à vie les transgenres et celle-ci il n’en feront pas le deuil avant que je ne sois morte réellement! Auraient-ils préférés subir le deuil de celle que je suis??? Peut-être! Mais je suis hors sujet et vos réponses et témoignages font voir combien les luttes qui sont les nôtres sont humainement terrifiantes et pèsent sur nos existences et celles de nos familles, pourtant ne doit-on pas se réjouir pour les personnes que l’on aime, pour nos enfants ou nos compagnons, pour nos parents que leur vie soit celle qu’il souhaite et qui leur apporte le bonheur et la paix de l’esprit??? Pauvre folle que je suis, je ne comprendrai jamais rien aux rapports humains, ça j’en ai fait le deuil aussi! Kiss.
Pour ma part je suis franchement mitigée : d’un côté je comprends cette histoire de deuil, mais de là à m’oublier moi même sous pretexte qu’il faut lausser du temps à l’autre, tout de go je dis Niet, nada, certainement pas !
Et non, ce n’est pas faire preuve d’égoïsme ou de cruauté.
C’est comme ” Ne lui dit pas tout de suute, son coeur est fragile, gna gna gna…”, encore une subtile façon de tirer à boulet rouge sur la personne trans en la rendant responsable de sa propre transidentité, et de lui balancer “je respecte ton choix (sic)”, d’etre dans le déni de la souffrance transidentitaire ( et ça, c’est sacrement égoïste !).
Qui est responsable ? Encore une fois cette société qui en à faut une maladie (mentale) honteuse, un tabou.
Si on apprenait à chacun que c’est une joyeuse libération, un abandon heureux d’une souffrance atroce, un bonheur enfin sur le point d’etre trouvé, partagé et donc bénéfique pour l’entourage, le regard serait tout autre, plus léger et la question de ce deuil ne se poserait même pas.
Quelque part je renvoie la responsabilité de ce deuil à la personne concernée elle mêle parce qu’elle est le manque d’un certain courage face à sa propre ouverture d’esprit, fusse t’elle cardiaque ou non.
Ce chapitre, j’y ai eu droit moi même, j’y ai refléchi, et personne n’en est mort.
En cela je rejoins Cand dans ses propos.
Pour résumer c’est encore une histoire d’éducation au sujet.
Cet évènement festif que je recommande à tous que j’appelle “enterrement de vie de garçon pour les MTF (et vice versa)” pour feter une fin de transition et un nouveau depart et qu’Alexandra connait bien maintenant peut etre l’occasion de soigner le deuil de ces proches (famille, amis) et leur montrer que, justement, cette transition est qyelque chose d’heureux et non mortifère.
Pour ma part je suis franchement mitigée : d’un côté je comprends cette histoire de deuil, mais de là à m’oublier moi même sous pretexte qu’il faut lausser du temps à l’autre, tout de go je dis Niet, nada, certainement pas !
Je ne crois pas que ce soit le but de l’article. Comprendre mieux ce que traverse l’autre ne veut pas forcément dire le laisser nous faire du mal impunément. D’ailleurs, personnellement, il me semble que cette distinction entre “J’ai mal et je réagis comme je veux sans tenir compte des autres” et “J’ai mal mais je m’efforce de ne pas faire souffrir inutilement mon entourage à mon tour” est une composante essentielle de la condition d’être humain adulte. Je n’attendrais pas d’un petit enfant ou d’un animal qu’il contienne ses émotions et ses réactions lorsqu’il a mal ou peur, même si lesdites réactions le conduisent à me faire mal (par exemple: lorsqu’un animal me mord alors que je le mets dans une boite pour l’emmener se faire soigner chez un vétérinaire). Mais de la part d’un être humain adulte et en possession suffisante de ses moyens, j’attends absolument un certain respect pour ma propre intégrité physique et morale. Sauf cas vraiment exceptionnel, il n’est pas question pour moi de m’oublier complètement sous prétexte que quelqu’un d’autre a mal.
Qui est responsable ? Encore une fois cette société qui en à faut une maladie (mentale) honteuse, un tabou.
Tout ce qui sort de la stricte moyenne est tabou. Trop gros, trop maigre, trop intelligent, moins intelligent, trop grand, trop petit, trop clair de peau (les albinos, les roux), trop foncé de peau, trop silencieux, trop bavard, trop extraverti, trop introverti, trop féminine, pas assez féminine, trop masculin, pas assez masculin, trop ceci, trop cela… Pas besoin d’être diagnostiquéE comme étant malade (physique ou mental) pour être rejetéE et tabou-iséE. En fait, je dirais que souvent le phénomène est inverse de nos jours: on cherche à justifier le tabou en qualifiant l’écart par rapport à la moyenne de maladie, ou en théorisant qu’il conduit à des maladies. “C’est parce que je m’inquiète pour ta santé que je te harcèle à propos de ton poids!” – combien de personnes “trop grosses” ou “trop maigres” ont entendu ça, même quand elles sont en pleine santé et ont une superbe hygiène de vie? Et je pense aussi à mon gynéco, qui m’avait raconté que bien des mères affolées amenaient leur fille adolescente le voir en lui demandant de quoi elle souffrait pour être aussi grande déjà à son âge!? “Tu es différentE, donc tu es malade, donc il est normal que je rejette ta différence sous couvert que cette différence n’est pas bonne pour toi” ; bien pratique comme excuse, non?
Quelque part je renvoie la responsabilité de ce deuil à la personne concernée elle mêle parce qu’elle est le manque d’un certain courage face à sa propre ouverture d’esprit,
Ouaip. Tu la déranges en refusant de rester dans son organigramme bien établi de Comment Sont Les Choses. Certaines personnes acceptent de corriger leur organigramme pour t’inclure, d’autres s’y refuseront toujours…
En fait, vous passez des dizaines d’années à souffrir, à ne pas bouger, à ne rien faire ,à ne surtout pas péter, ni même transpirer une goutte de votre mal etre de peur du regard de l’autre, de peur de ce que vont penser, dire ou faire vos proches et vous faites vitre coming out parce que vous n’en pouvez plus d’attendre encore et encore, et vous vous mettez a attendre in eternam que les autres soient prêt ?
C’est la même histoire que lorsqu’au boulot on vous demande de continuer de vous habiller en homme alors que vous avez déjà de la poitrine, 6 mois d’hormones et attendu (que trop) en gachant déjà 40 de votre vie, tout celà pour faire attention au 450 collègues de votre lieu de travail.
Désolée, mais la vie est trop courte, on peut se faire écraser par une voiture du jour au lendemain sans avoir profité d’un tant soit peu de bien etre dans sa vie…
On nous demande de penser aux autres dans notre transition, mais QUI pense à nous à ce moment là ??? Ca fait du mal à qui, concrètement, c’est le deuil de qui ou de quoi ?
Pour moi c’est simplement une réaction “d’habitude culturelle” (malsaine disons le), tout comme celle qui consiste à dire que vous avez besoin de temps pour sauter du 10 metre à la piscine ou pour manger ce morceau de Durian pourtant si délicieux qui pue le calendos trop fait à 100 metres.
Le problème de ce deuil est double :
– Puisqu’on ne meurs pas et si on ne fait rien le déni durera encore et encore. C’est un deuil interminable dans lequel le déni s’installe tant que le statu quo est entretenu (l’espoir fous de continuer à croire que la personne ne fera pas sa transition tant qu’elle ne la commence pas).
– Le double effet Kiss cool n’est pas cool du tout et je vous renvoie à l’actu récente. Mme Taubira a dit qu’elle ne fera rien parce que’notre’ société n’est pas prete. Dans cette société il y a aussi nos parents et proches et il leur appartient et c’est de leur devoir de changer leur propre regard pour que la société change.
Personnellement je remercie ma maman pour l’avoir compris et qui souhaite creer une asso de parents trans
“Parent de trans ” bien sur. (Pas facile d’éviter les fautes en écrivant depuis un téléphone).
“Si vos parents au proches ne veulent pas sauter du plongeoir, aidez les en les poussant derrière. Une fois dans l’eau ils s’apercevront que c’était pas si difficile…”
Ca doit etre de Confucius ou de Laure Manaudou 🙂
Comme je l’ai dit plus haut, et comme le souligne Chloé qui est le cas de beaucoup d’entre nous, pendant 42 années et demi je n’ai pas bougé une oreille. Et dans les peurs il y avait clairement la peur du rejet de mes parents. C’était en fait ma plus grosse peur de toutes. J’avais une très forte adhérence à mes parents.
Quand j’ai bougé, je savais peu ou prou qu’ils me rejetteraient. Du fait des circonstances, on ne peut même pas dire “j’ai pris ce risque”. J’ai juste pris ma vie en main, la peur chevillée au ventre, mais j’y suis allée. Et j’ai “perdu” mes parents. Eux étaient dans leur pseudo-deuil (voir ce que j’ai écrit plus haut). De mon côté, je finis comme je peux le deuil de ne plus voir mes parents. Ils sont vivants, mais leur silence complet fait qu’ils sont d’une certaine manière morts à mes yeux. C’est douloureux, mais avais-je le choix ? Non.
Ce sont nos vies.
Après, est-on prêtE à y aller ?
Pour certaines, nous avons suffisamment fait de chemin, et avons compris et nous pouvons foncer. Pour d’autres ce chemin n’est pas accompli. Attention… Toutes, nous savons à quel point il peut être dur de s’assumer dans un parcours trans. Ce n’est actuellement pas une partie de plaisir vu comme la société fait peser sur nous bien des maux, irréels, mais qui ont des conséquences sur nos transitions.
Je ne suis pas pour brusquer les trans qui n’ont pas fait le saut.
Je me souviens encore de mes atermoiements il y a quelques années. On m’aurait, et d’ailleurs on m’a mis de violents coups de pieds aux fesses (des amies trans) dans ces années-là et je n’ai pas pour autant bougé. Ça provoquait même l’effet inverse, ça me traumatisait. Ça me faisait me refermer encore plus et dire “Jamais je ne transiterai. C’est trop difficile. Trop de risques. Ça me fait très peur. J’ai peur de perdre ma famille, mes amis. Je ne le supporterai pas. Je n’ai pas envie de tout perdre et me retrouver sur le trottoir. J’ai très peur.”. Oui, tout cela je l’ai eu au fond de moi durant bien des années, et j’ai bien cru que je ne ferai pas le saut de toute ma vie. Et tous les coups de pieds aux fesses du monde ne me déracinaient pas.
Le coup de pied au fesses qui nous fait bouger est celui que nous acceptons qu’il nous fasse bouger. C’est mon sentiment et aussi un vécu très fort.
Le mien a été la maladie hormonale. Et cela je n’en ai jamais parlé jusqu’à présent, mais entre le moment où j’ai compris que j’étais gravement malade (13 septembre 2010) et le moment où j’ai pris ma transition en mains, s’est passé un mois et demi. J’étais de plus en plus malade et je laissais la maladie me tuer plutôt que de transiter. J’ai refusé d’y aller, même en étant très malade. Je ne cherchais même pas à me soigner. Je laissais aller. Je refusais d’aller voir les “bons” médecins. Pourtant, avec mes amies trans, j’avais les bonnes adresses. Toujours cette peur qui me paralysait. Ce 23 octobre 2010 où je me suis retrouvée étalée dans mon salon pendant 20 minutes à respirer difficilement et sentir mon cœur affaibli du fait de la crise en cours a eu raison de ma décision, non par peur de la mort, mais parce que je me suis trouvée idiote de ne pas réagir et l’impression de ne pas avoir accompli ma vie, l’impression d’un grand gâchis pour finalement faire plaisir aux autres. J’ai “grandi” d’un coup. J’ai simplement dit : “Je veux vivre !! J’ai encore bien des choses à accomplir !!! Je ne mourrai pas pour faire plaisir à la société !!”. Et c’est là que j’y suis allée. J’ai été poussée par la volonté d’accomplir ma vie.
Pour ce qui est de cette fameuse fête du 11 juin 2011 où j’avais réuni tous mes univers, cousine, amis proches, amies trans (Chloé que je connaissais depuis peu était en effet présente), anciens collègues, voisins, commerçants et amis : “Enterrement de vie de garçon… Un garçon ??? Où cela un garçon ????”. Le titre en lui-même était fait pour tourner en dérision la mascarade de ces fêtes pré-mariage, et aussi une manière de dire que ce garçon n’avait jamais existé si ce n’est dans l’image que les gens avaient de moi avant transition. Cette fête marquait aussi mon départ pour Bangkok pour dire que le peu de physiologie masculine encore existante allait disparaître puisque pour moi la SRS était une étape importante de mon accomplissement.
Dans le même temps mon père me harcelait par mails interposés.
Ce parcours, je l’ai fait en y appliquant toute ma volonté et contre vents et marées. J’ai pris beaucoup de coups d’un point de vue moral par mes parents et aussi par mon meilleur ami de l’époque. Un jour peut-être en auront-ils marre de me faire la tête. Pour le moment ce n’est pas d’actualité et c’est plutôt moi qui fait ce deuil. Ça s’apparente de mon côté à un deuil de rupture, rupture que je n’ai pas choisie.
Et je terminerai en disant que je reste très nuancée sur le fait de pousser qui que ce soit sur nos voies. Elles nous sont propres et nos énergies sont si différentes que ce qui marche pour l’unE n’est pas applicable à l’autre, voire dangereux.
Dans mon cas, la maladie physiologique a été le ressort (je peux avoir la tête dure ! 🙂 ).Pour d’autres c’est un ras-le-bol total qui amène à se poser même la question de continuer d’exister. Dans bien des cas, c’est la question de vie ou de mort qui fait qu’on y va et qu’on fait fi de ces “deuils” de notre entourage. Pour la plupart d’entre nous, je pense que nous avons côtoyé la mort de près quelles qu’en soient les circonstances. Il a presque toujours fallu des circonstances létales pour nous bouger.
Coucou,
Perso, je n’ai pas eu de circonstance de mort, ni même de sensation de souffrance. C’est plutôt une acceptation de ce que je suis, toute simple. C’et ensuite, avec le recul, que j’ai compris qu’il y avait une sorte de souffrance très intériorisée,´souffrance de ne pouvoir être moi.
Oui, la révèlation aux parents est une étape cruciale et difficile. Il faut en avoir conscience mais ne pas non plus en avoir peur. On s’en sort, non ? En ce qui me concerne, ce petit billet de Julie m’a fait prendre conscience de la nécessité de passer à la vitesse supérieure. J’ai donc relancé la machine en écrivant à mes parents et le résultat est très positif. Ma mère a assimilé et m’appelle Candice. Mon père rame mais il y a du progrès. En tout cas, ils ont décidé d’accepter et de faire le nécessaire pour me respecter.
J’insiste à nouveau sur cette relation intériorisé à la honte. Oui, la transidentité est tabou. Oui, nous sommes perçus souvent, dans l’imaginaire collectif, comme des grosses follasses, des tafiolles ou alors comme des êtres en souffrance, de pauvres petites victimes, sorte de dernier degré de la honte Seulement, il suffit de nous connaitre pour comprendre que ce n’est pas ça. Et surtout, il ne faut pas jouer ce jeu là. Non, je m’oppose fermement à cette notion de deuil (même si je la comprends et que je fais avec “en l’état”) : je suis toujours la même personne en plus épanouie. Où est le deuil ? Parce que je met des robes ? C’est ridicule. Quand des parents apprennent que leur fils ou fille est homosexuel-le, ils ne font pas le deuil ? Si j’avais, je ne sais pas moi, une maladie génétique, un léger handicap ou autre, mes parents feraient le deuil ? Non bien sûr, il y aurait une remise en question et une adaptation … mais pas un deuil.
Je veux bien comprendre, je veux bien m’adapter en l’état … Mais je ne veux pas cautionner cette relation entre transidentité et quelque chose d’hyper grave, de l’ordre de la remise en question fondamentale et qui va jusqu’à parler d’une petite mort. Alexandra, le cas spécifique de ta maladie est hyper rare. Il est le seul que je connaisse. Il est une exception qui peut légitimer le terme de souffrance. Sinon, je ne vois pas.
C’est parce que nous aurons la capacité de tenir un discours non misérabiliste que progressivement les jeunes générations de trans auront la vie plus facile.
Quand des parents apprennent que leur fils ou fille est homosexuel-le, ils ne font pas le deuil ? Si j’avais, je ne sais pas moi, une maladie génétique, un léger handicap ou autre, mes parents feraient le deuil ? Non bien sûr, il y aurait une remise en question et une adaptation … mais pas un deuil.
Euh, si? Il est relativement courant pour des parents qui ne l’ont pas vu venir de faire leur deuil d’une famille hétéronormative pour leur enfant qui leur annonce qu’il ou elle est homosexuelle. Les parents d’hommes gays pensent même souvent devoir carrément faire le deuil de petits-enfants par ce fils. C’est très courant, comme réaction.
Quant au deuil des parents d’enfants handicapés, j’en ai parlé plus haut. Il n’est que trop réel et douloureux.
Je comprends bien que pour toi, qui a vécu LE deuil, celui où la mort elle-même est impliquée, il puisse sembler démesurer d’utiliser une telle expression dans d’autres circonstances, mais c’est pourtant un terme couramment utilisé. On peut “faire son deuil” de tout et n’importe quoi, du moment que c’était quelque chose auquel on tenait très fort et qui devient impossible. Il ne s’agit pas de comparer cette perte à la mort elle-même; c’est juste qu’il faut en passer par le processus de deuil décrit dans l’article: déni, colère, etc… C’est la “remise en question et l’adaptation” dont tu parles: c’est elles qui sont désignées, dans les cas particulièrement douloureux, comme “un deuil”.
Mais je ne veux pas cautionner cette relation entre transidentité et quelque chose d’hyper grave, de l’ordre de la remise en question fondamentale et qui va jusqu’à parler d’une petite mort.
Et pourtant, touTEs ces trans qui perdent famille et amis quand illes transitionnent: cela ne s’apparente-t’il pas à une forme de mort? Illes sont mortEs pour toutes les personnes qui les ont rejetéEs, même si illes ne se sont jamais sentiEs aussi vivantEs…
… Ben en fait, pas si rare que cela. Quand j’en ai parlé à mon entourage, un ami dont la maman est médecin en Bretagne lui a dit avoir connu dans sa vie professionnelle une dizaine de cas comme le mien dont une bonne partie se trouvait être trans’, ma coiffeuse sur Vincennes avait eu une cliente il y a 16 ans de cela dont le mari était mort à cause de cette maladie, et dans mes clients, l’un d’entre eux avait dans sa belle-famille un beau-frère qui avait cette maladie et qui avait dû être opéré en urgence. Je pense que c’est surtout caché.
Je connais même en ce moment un “mec-mec” qui veut être papa et qui a cette maladie. Ils résolvent en lui faisant l’ablation d’un testicule, il n’a que peu de temps ensuite pour être papa par lui-même et l’ablation du second testicule est au programme une fois qu’il a pu avoir un enfant avec sa compagne. Pas joyeux pour un “mec-mec” en l’occurrence.
Candice a écrit:
“Et surtout, il ne faut pas jouer ce jeu là. Non, je m’oppose fermement à cette notion de deuil (même si je la comprends et que je fais avec “en l’état”) : je suis toujours la même personne en plus épanouie. Où est le deuil ? Parce que je met des robes ? C’est ridicule. Quand des parents apprennent que leur fils ou fille est homosexuel-le, ils ne font pas le deuil ? Si j’avais, je ne sais pas moi, une maladie génétique, un léger handicap ou autre, mes parents feraient le deuil ? Non bien sûr, il y aurait une remise en question et une adaptation … mais pas un deuil.”
L’appellation “faire son deuil” est utilisée par les personnes qui sont confrontées à une information qui est difficile à accepter. C’est le cas, bien sûr lors de la perte d’un être cher mais par extension lorsque nous apprenons une information primordiale qui risque de nous déstabiliser.( apprendre qu’on est atteint d’une maladie grave, cancer, VIH etc..) alors on repart sur un autre débat ( est-ce que la transidentité est une maladie etc..) Il n’empêche que par rapport au rôle social qu’on joue ou qu’on nous fait jouer, notre genre se modifie soit de manière radicale ( MTF, FTM, ou de façon plus relative XTX, càd de genre non défini par rapport à une catégorie M ou F, sans départ ni arrivée.
Ce n’est pas parce qu’on met des robes qu’il faut faire le deuil mais par rapport à notre masculinité ( si on y était attaché)
Par rapport à l’homosexualité de leur enfant, certains parents sont également dans la configuration de faire le deuil ( par rapport à l’hétéro-normativité régnante ou parce qu’ils ne seront grands-parents “génétique”etc…
Lorsqu’un enfant est atteint d’une maladie grave ( génétique, handicap etc..) ils sont également dans une configuration de faire le deuil, malheureusement.
Oui. Le terme de “deuil” n’est pas employé qu’en cas de décès de quelqu’un.
On parle bien de deuil d’une relation.
Le mot existe, n’a rien de péjoratif, fait état d’une contrariété plus ou moins forte, d’une angoisse, qu’elle soit justifiée ou non, en fait peu importe.
De toute façon, c’est le mot employé pour définir cet état d’âme.
Après, oui, c’est surtout la justification du deuil qui peut être mise en cause, pas le deuil en lui-même.