Mon histoire, pleine de résilience, de force face à mon identité de femme transgenre

Voici une histoire pouvant vous plonger au fin fonds de la France rurale, là ou préjugés et non inclusivement sont nombreux, mais là aussi ou la diversité prédomine et les LGBT sont courageux et beaucoup résilients face à tout ça. Claire Dubois, une jeune femme transgenre a accepté de partager avec nous, son histoire et sa lutte au quotidien qui illustre parfaitement ce que les transgenres vivent tout le temps.

Pour en débuter en premier par rapport à votre histoire, est-ce qu’il serait possible de vous présenter un peu ?

En effet, je m’appelle Claire Dubois, originaire de l’Île de Ré, la plus grande en fait de la région Nouvelle Aquitaine. C’est un endroit où il y a beaucoup de gens modestes et travailleurs, ceux qui vivent avec la nature et qui la respectent. Mais ce sont aussi des gens très attachés à leur tradition et j’en fais partie. Mais à mesure que mon âge avançait, je n’étais pas toujours la personne respectée, ni la plus aimée.

Le fait est que lorsque j’étais à l’école, que ce soit même l’école primaire ou secondaire, c’étaient des enfants comme moi qui me harcelaient et me disaient que j’étais un pédé et une tapette. C’était les pires moments où mon estime de soi était blessée et j’ai commencé à prétendre que non, j’étais un garçon parce que sinon les attaques ne s’arrêteraient pas.

Mais une fois devenue adolescente, j’ai commencé à avoir un corps de plus en plus masculin, mais au niveau de la voix, c’est toujours le même. Eh bien, ma voix a toujours été féminine et il suffisait que je parle et beaucoup de gens ont réalisé que j’étais homosexuel. Mais aussi, j’ai des origines indigènes semble-t-il et c’est aussi pour ça qu’on se moquait beaucoup de moi puisque j’avais des traits natifs !

Qu’est-ce qui vous a décidé à devenir Claire ?

En fait je savais qu’au moment où ma vie allait être marquée à jamais, c’était en 2ème année de lycée ou à 16 ans, j’ai pu rencontrer un garçon gay qui m’a invité à un concours de beauté. C’est à partir de ce moment que j’ai su et j’ai pu confirmer au sein de mon être que j’avais une identité transgenre.

Avant, je n’avais jamais participé à un concours de beauté, mais le prix était de 150 euros et cela a suffi à me convaincre (nous étions pauvres à l’époque et la fête des mères approchait). Le fait est que je voulais offrir un cadeau qui marquerait ma mère, elle qui m’a toujours donné un amour inconditionnel. J’ai donc décidé de faire partie des participantes à ce concours de beauté.

Le grand jour de la compétition, j’ai parcouru 6 km en bus depuis mon village, c’est-à-dire Ars-en-Ré jusqu’à Saint-Martin-de-Ré. Eh bien, depuis que j’étais encore très jeune, j’étais très anxieux et très craintif, vous savez ? Une fois arrivé, j’étais vraiment soulagé qu’il y ait d’autres garçons gays qui étaient aussi de La Rochelle et vu la façon dont ils étaient habillés, ils s’étaient aussi travestis le grand jour.

C’est un moment qui m’a beaucoup marqué, je m’en souviens encore comme si c’était hier. C’était, je dirais, le moment où j’ai compris quel était mon vrai moi, pour la première fois de ma sombre vie !

Ensuite, il fallait donner nos prénoms pour le concours et je ne les avais pas à ce moment-là, alors il a décidé de m’appeler Mystik Claire. Ensuite, il nous a donné des costumes et du maquillage, c’est ainsi que je me suis maquillé pour la première fois. Deux heures de préparation se sont ensuite écoulées ainsi qu’un perçage des oreilles pour pouvoir enfin porter des boucles d’oreilles, j’étais enfin prête à me regarder dans le miroir.

Comme je vous l’ai dit, ce fut l’un des moments les plus mémorables de ma vie, c’est le moment où j’ai su pour la première fois qui j’étais. Et oui, j’ai compris que j’étais une femme et je l’étais finalement apparemment. C’était le moment que j’attendais depuis mon enfance, vous pouvez le croire ?

Alors, dans votre petite ville là, il y a eu des péripéties que vous voulez raconter ?

C’était une soirée mémorable pour moi, mais en mal, puisque j’étais enfin une femme, mais j’ai expérimenté aussi de la plus mauvaise des façons qu’il y aurait toujours dans la société française, du machisme permanent, surtout dans ma région. En fait, l’organisateur qui s’était si bien occupé de moi m’avait annoncé qu’il n’avait pas eu de bénéfices pour l’événement de concours de beauté, même si la salle était pleine. J’étais tout simplement convaincue à cette époque que l’organisateur avait fait assez d’argent, assez pour me payer, moi et les autres concurrentes, mais qu’il était tout simplement avare pour nous payer. Du coup, l’unique prix que j’ai obtenu, c’était les 5 euros pour mon frais de bus de retour chez moi.

Bah, comme on dit tout le temps qu’en France, si c’est une petite ville, c’est un grand enfer, et c’est la réalité en fait. Les nouvelles allaient de plus en plus vite jusqu’à ce que, lorsque je suis rentrée chez moi, j’ai entendu que ma mère était déjà au courant que j’avais participé à un concours de beauté vu que tout le monde en parlait déjà. Elle m’a demandé ce que les gens allaient en penser en entendant ça, puisque beaucoup en parlent déjà. Je lui ai répondu que pour moi, ce qui importait, c’était uniquement mon opinion et celle de ma mère.

Le fait est que j’avais vraiment eu honte de rentrer les mains vides et ça m’a beaucoup affectée vu que je pensais pouvoir acheter un cadeau de fête des mères pour ma maman. Le lycée était enfin terminé et, au vu des nombreuses hostilités que j’ai vécues, je n’ai pas voulu affronter beaucoup de moqueries. Alors, pour les années suivantes, je n’ai rien foutu de ma vie. C’était la haine qui était mon frein, mais heureusement, j’ai décidé de m’inscrire à l’Université de Paris Descartes pour le concours de l’école d’infirmières. Bah, pourquoi j’ai voulu devenir infirmière ? Parce que j’avais envie de prendre soin de beaucoup de personnes.

Que s’est-il passé à l’université, avez-vous des histoires à raconter à ce sujet ?

Mais il y avait aussi beaucoup de discrimination, et même de la violence contre les personnes différentes. Dans les couloirs, des étudiants préjugés me regardaient avec mépris et lançaient des insultes à mon passage. Une fois, j’ai échoué à un cours parce que le professeur ne pouvait pas accepter mon identité. Et on m’a dit que si j’étais sélectionnée pour une bourse de stage, je serais envoyée dans une maison de retraite pour hommes parce que, “Que tu le veuilles ou non, tu es un homme.”

Bah, il faudrait que vous compreniez qu’il y a même au niveau des universités des discriminations tout le temps. D’ailleurs, les règles universitaires stipulent que seules les femmes auraient la possibilité d’avoir les cheveux longs, surtout que les hommes devraient avoir des cheveux courts. C’était un truc difficile pour moi puisque comme toutes les femmes transgenres, les cheveux longs sont une marque de fabrique pour moi. Mais j’ai compris que l’intérieur de moi est plus important et n’est pas défini par n’importe quelle coupe de cheveux, mais par ma force intérieure et ce que je peux ressentir. Alors finalement, j’ai réussi à couper mes cheveux.

Pourtant, tout comme j’ai fait face à la discrimination et à la haine, j’ai aussi reçu le soutien d’amis et d’alliés. Comme mo

n cousin, un coiffeur qui me faisait des coupes de cheveux féminines mais conformes aux règles universitaires. Et un gars de mon quartier qui était toxicomane. Un jour, devant un groupe d’adolescents du quartier, il a déclaré que j’étais son amie et que quiconque oserait me toucher aurait des ennuis avec lui.

Mais même si j’ai foncé tête baissée et que j’ai réussi enfin à m’extirper du monde de discrimination et de haine, j’ai reçu beaucoup de soutien de la part de mes amis et de mes alliés. Vu que mon cousin était mon plus grand soutien, c’était aussi un coiffeur qui me coupait les cheveux comme ceux des femmes, mais en respectant les règles qu’il y avait dans les universités où j’étais.

Il y avait même un moment où devant un groupe d’ados de mon quartier, mon cousin a dit que j’étais son amie et que peu importe qui voulait me faire du mal, aurait des ennuis avec lui. Bah, c’était le cousin le plus gentil que je connaissais, mais aussi, j’affirme ça avec ma plus grande tristesse puisqu’il faisait partie des gens beaucoup assassinés le 1er décembre 2018, là où il y avait des manifestations des gilets jaunes qui ont été réprimées par la police avec beaucoup de violence.

Vous pensez que votre histoire est importante ?

Je voulais partager mon histoire parce qu’en premier lieu, j’ai été assez forte pour survivre. Attaquée parce que je suis une femme trans, discriminée à cause de mon orientation sexuelle autre et surtout, la la violence politique en tant qu’étrangère, mais je suis encore là.

En fait, ce qui m’a poussée à partager mon histoire avec vous, c’est qu’en premier lieu, j’ai eu beaucoup de choses à surmonter et j’ai enfin réussi à surmonter ces obstacles. Mais ce que j’ai réalisé, c’est que ces obstacles-là, c’est la société elle-même qui les met au travers de mon chemin, ainsi que pour tous les autres transgenres. Alors je suis là pour partager mon histoire devant tout le monde et devant toute la communauté transgenre.

Ainsi que pour tous ceux qui vivent dans des foyers modestes ou qui n’ont pas de foyers. Je m’adresse à ceux qui ne sont pas respectés parce qu’ils ne répondent pas aux standards physiques que la société actuelle dite libérée impose. Il y a même ceux qui se sont vus refuser leur carrière ainsi que leur scolarité à cause de leur identité de genre autre que “normale”. Et ceux qui se sentent vraiment invisibles, même aux yeux des personnes LGBTQIA+.

Alors, je vais me battre toujours et toujours pour que la France soit un peu meilleure, plus inclusive et plus diverse. Pour ceux qui sont conservateurs et qui croient que nous, les transgenres, sommes maudits, que nous portons des maladies et que nous sommes des déchets de la société, je veux leur dire qu’il faut qu’ils nous connaissent un peu plus pour qu’ils comprennent qu’on est juste différents et qu’on veut vivre parmi la société qui nous a vus naître. En fait, nous ne sommes pas coupables de notre réalité, nous sommes tout simplement victimes de l’ignorance et des autres choses que les personnes et autres nous imposent.

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